Dans un épisode récent des Carnets de la Gouvernance Publique, le Professeur Eric Champagne interviewe le Professeur André Lecours. André est professeur de sciences politiques à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa et directeur de recherche au Centre d’études en gouvernance. Il est également un spécialiste mondialement reconnu du fédéralisme et a reçu plusieurs prix et distinctions prestigieuses pour ses contributions académiques.
Au cours de leur conversation, ils ont exploré la politique des États multinationaux, en explorant les types d'arrangements démocratiques qui peuvent favoriser la survie de ces États et le rôle du fédéralisme dans ce contexte.
André a commencé par définir les États multinationaux, expliquant qu'ils ne sont pas des États-nations, où la nation et l'État sont congruents, comme les États-Unis ou la France. Au lieu de cela, les États multinationaux sont ceux où la nation promue par l'État central est contestée. Le Canada, par exemple, est un État multinational, les Québécois identifiant leur nation comme le Québec et les Premières Nations identifiant leur principale identification nationale comme n'étant pas le Canada.
La recherche d'André se concentre sur les États multinationaux où il y a un mouvement nationaliste significatif. Ces mouvements, menés par des partis nationalistes, cherchent soit l'autonomie au sein de l'État, soit l'indépendance pure et simple.
L'un des aspects uniques des États multinationaux, selon André, est que leur existence même ne peut pas être tenue pour acquise. Dans ces États, les politiciens doivent s'assurer que les conflits territoriaux et les clivages ne s'aggravent pas au point où le pays pourrait se disloquer. Cela ajoute une couche de complexité à l'opposition habituelle gauche-droite et aux discussions sur les questions de politique publique.
Lorsqu'on lui a demandé quels types d'arrangements démocratiques peuvent favoriser la survie des États multinationaux, André a souligné que les États disposent de plusieurs outils. Ils peuvent étendre les régimes de droits, renforcer la minorité nationale au sein des institutions centrales, ou établir un partage du pouvoir entre les groupes majoritaires et minoritaires.
Cependant, offrir une autonomie significative à une minorité nationale, ce que souhaitent souvent les mouvements nationalistes, peut être difficile. De nombreuses cultures et traditions politiques considèrent l'autonomie comme une menace pour la survie de l'État. André soutient le contraire, suggérant que le fédéralisme - une idée et un principe de gouvernance qui permettent une certaine réconciliation entre l'unité et la diversité - maximise les chances d'un État multinational de survivre et de prospérer.
Pour ceux qui s'intéressent à approfondir le sujet, André a récemment publié deux livres. "The Constitutional Politics and Multinational States," co-édité avec des collègues et publié par McGill-Queens University Press, explore les défis uniques de la formulation, de la réforme et de la négociation d'une constitution dans les États multinationaux.
Son livre le plus récent, "Nationalism, Secessionism, and Autonomy," publié par Oxford University Press en 2021, enquête sur ce qui fait qu'un mouvement nationaliste cherche l'indépendance plutôt que de se contenter de l'autonomie. André conclut qu'un État multinational réussira le mieux à obtenir qu'une minorité nationale soit satisfaite de l'autonomie s'il offre une autonomie qui peut être ajustée au fil du temps et maintient la relation entre la minorité nationale et l'État ouverte à la discussion et à la négociation continue.
La conversation entre Eric Champagne et André Lecours a été éclairante et a offert une plongée profonde dans les complexités des États multinationaux. La recherche d'André est une contribution précieuse à notre compréhension de la politique de ces États et du rôle du fédéralisme dans leur survie.