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Suivre la science: éviter les reproches et renoncer à la responsabilité
Dans le cadre de la politique de lutte contre la pandémie, les gouvernements ont affirmé à multiples reprises qu'ils ne faisaient que "suivre les données scientifiques". Face à l'anxiété et à l'incertitude généralisées, ce mantra était censé rassurer le public sur le fait que les décisions relatives à la réponse à la pandémie étaient prises sur la base des meilleures données scientifiques disponibles. Mais prendre des décisions politiques en se fondant uniquement sur des preuves scientifiques est impossible (ne serait-ce que parce que "la science" est toujours contestée) et antidémocratique (parce que les gouvernements sont élus pour équilibrer un éventail de priorités et d'intérêts dans leurs décisions). Affirmer que l'on "suit simplement la science" représente donc une abdication de responsabilité de la part des politiciens. En collaboration avec des collègues, nous avons avancé ces affirmations audacieuses dans un article récent qui fait partie de notre programme de recherche de longue date sur la gouvernance de la santé publique.
Les limites inhérentes aux politiques "fondées sur des données probantes" ont été décrites et analysées à maintes reprises. Nous savons que les choix de politiques et de programmes ne sont jamais fondés uniquement sur les preuves scientifiques disponibles. Alors pourquoi les politiciens ont-ils prétendu "suivre la science" et quelles sont les implications d'une telle attitude?
Pour commencer à répondre à cette question, nous avons examiné un échantillon de journaux nationaux en Australie, au Canada et au Royaume-Uni. Nous avons analysé les incidents au cours desquels les dirigeants politiques nationaux et infranationaux ont affirmé que leurs choix en matière de politiques et de programmes de lutte contre la pandémie avaient été guidés par la science. Ces déclarations ont souvent été formulées comme étant des conseils prodigués par les médecins en chef. Dans certains cas, les politiciens et ceux qui n'étaient pas d'accord avec les choix politiques du gouvernement ont présenté les médecins en chef comme des décideurs sur des questions litigieuses, suggérant ainsi que les décisions en matière de santé publique étaient uniquement déterminées par des conseillers scientifiques plutôt que par des dirigeants élus.
Les résultats ont mis en lumière une vérité troublante. Nous montrons comment l'expression "suivre la science" ne signifiait souvent pas tant qu'il fallait se conformer strictement aux avis scientifiques, mais plutôt qu'il s'agissait de détourner la responsabilité des échecs politiques ou des décisions désagréables. Les références aux avis scientifiques sont passées d'un exercice de légitimation à un bouclier permettant de repousser les critiques.
Face à une menace existentielle pour la santé, quel mal y a-t-il à permettre aux conseillers en santé publique et aux experts scientifiques de porter une part de responsabilité lorsque les choses tournent mal ? En bref, ce n'est pas ainsi que le gouvernement est censé fonctionner. Dans les pays démocratiques matures, ce sont les hommes politiques élus, et non les personnes nommées pour les conseiller, qui portent le crédit et le blâme des décisions gouvernementales. Dans cet article, nous soutenons qu'agir autrement revient à affaiblir la convention établie de la responsabilité ministérielle. Lorsque le gouvernement prend une décision, tous les membres du cabinet sont censés la soutenir. C'est renoncer à cette responsabilité que de suggérer qu'une décision ne fait que suivre le plan ou les conseils des fonctionnaires.
Notre recherche étend ce que nous savons des jeux de blâme aux cas où les hauts fonctionnaires risquent d'être blâmés publiquement et de voir ainsi leur crédibilité ébranlée. Elle offre également de nouvelles perspectives sur l'utilisation des avis scientifiques dans l'élaboration des politiques en temps de crise. Et surtout, elle soulève des questions cruciales sur la jonction de la science et de la politique et sur la manière dont la seconde peut manipuler la première à des fins politiques.
Vous pouvez lire la recherche originale dans Policy & Politics.
https://doi.org/10.1332/030557321X16831146677554
Patrick Fafard
Patrick Fafard est professeur titulaire à l’École d'affaires publiques et internationales et à l’École d’épidémiologie et santé publique à l’Université d’Ottawa. Il a également connu une longue carrière dans la fonction publique, y inclus le Gouvernement de la Saskatchewan et le Gouvernement du Canada ou il a occupé le poste de directeur-général au Bureau du Conseil Privé. Il est l’auteur et le coéditeur de nombreuses publications traitant de la santé publique, les politiques publiques et le fédéralisme. En ce moment sa recherche est axée sur la gouvernance de la santé publique, le rôle de la science dans l’élaboration des politiques publiques, et comment créer des liens entre la science politique et la santé publique. Il est chercheur principal au Global Strategy Lab (York University et Université d’Ottawa) est membre du Centre de droit, politique et éthique de la santé de l’Université d’Ottawa.